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AssureOne et Mirae Prevoir Vietnam : le rôle des commissaires aux comptes en question

Nous publions ci-dessous cet article paru dans Les Échos qui interroge très directement le rôle des commissaires aux comptes.

Nous avons noté que La Société Centrale Prevoir a passé dans les comptes 2022 une provision de 7 millions d’euros dans ses comptes pour refléter une dépréciation de valeur de ses titres d’AssurOne qui sont encore après cette provision évalués à 91 millions d’euros en valeur nette comptable. Nous pensons que cette provision si elle est salutaire est encore bien insuffisante compte tenu de la performance d’AssurOne et de la réalité de son plan d’Affaires. Les commissaires aux comptes de la société centrale Prevoir ont comme information de la part de notre direction générale notamment un rapport de valorisation d’AssurOne que nous comprenons avoir été rédigé par la banque Natixis (Fenchurch) qui s’appuie notamment sur des méthodes d’actualisation des flux futurs. Trois années après l’acquisition d’AssurOne nous savons que ces projections ne sont pas réalistes et ne sont, ni ne seront, jamais atteintes. Les analyses sur la base des méthodes analogiques dites des multiples de comparables (transactions ou boursiers) font ressortir une valorisation plus proche de 30 à 40 millions d’euros pour nos titres AssurOne.

Nous n’avons pas lu ce rapport de valorisation de la  banque Natixis mais il nous a été indiqué que: 1) il comprenait une clause de non responsabilité (disclaimer) qui permet  en réalité à Natixis de se laver les mains comme Ponce Pilate et de ne pas engager ni sa réputation ni son nom;  2) que la fourchette de valorisation exposée serait juste énorme (grotesque ?) entre 30 et 130 millions ce qui en soit illégitime toute conclusion.
Comment nos commissaires aux comptes qui disposent de tous les moyens nécessaires de vérification n’exigent-ils pas qu’une provision d’ampleur soit passée dans les comptes de la SCP afin de respecter le principe essentiel d’une image fidèle de notre bilan?

Même analyse en ce qui concerne notre filiale au Vietnam dont les titres sont détenus par Prevoir Vie et qui devraient être très fortement provisionnés compte tenu de la réalité économique de cette filiale qui n’a aucun réseau de distribution en propre et qui perd ses partenaires bancaires par lesquels elle distribue ses contrats.

Nous partageons le contrôle de cette filiale avec un acteur Coréen Mirae ASSET Management aux prises avec un véritable scandale au Vietnam qui pèse sur la réputation de notre filiale et indirectement sur Prevoir. Sans compter que nous avons investi des dizaines de millions d’euros au Vietnam depuis vingt ans sans JAMAIS recevoir un euro de dividende.
Là encore c’est très surprenant que nos commissaires aux comptes n’exigent rien alors que tout démontre que notre investissement est à grand risque (comptablement au moins 40 millions d’euros…)

Commissaires aux comptes : la crise de confiance Laurence Boisseau

Les auditeurs se retrouvent sous le feu des critiques après la multiplication des scandales financiers. Ils n'ont pas détecté certains comptes truqués ni alerté sur les difficultés de certaines entreprises.

Je jure d'exercer ma profession avec honneur, probité et indépendance, de respecter et faire respecter les lois » : le 9 février dernier, 49 nouveaux commissaires aux comptes ont prêté serment devant la cour d'appel de Paris. Pas de tenue d'apparat, pas de robe noire ni d'écharpe. L'ambiance y est, malgré tout, pesante : ces professionnels des chiffres ont des devoirs solennels. Ils sont tenus au secret professionnel et à une déontologie stricte. Ils doivent respecter un code d'honneur. En cas de défaillance, ils engagent leur responsabilité civile, pénale et disciplinaire.

Le procureur de la République Rémy Heitz, présent lors de leur assermentation, leur rappelle qu'ils ont une mission d'intérêt général. Ils doivent alerter le tribunal de commerce dès qu'ils détectent qu'une entreprise ne va pas survivre, révéler tout fait délictueux (fausses factures, détournements de fonds, abus de biens sociaux, etc.) au procureur de la République. Mais aussi signaler à Tracfin des opérations de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

Pourtant, leur rôle n'a jamais été aussi fortement décrié que ces dernières années. En cause, la multiplication des affaires d'entreprises en difficulté ou de fraudes qui ont conduit à des faillites retentissantes ou à des pertes en capital massives pour les actionnaires. William Saurin, en France, Parmalat, Enron, Steihnoff, Bankia, Autonomy, Olympus, Sharp au Japon, Gupta en Afrique du Sud. En Grande-Bretagne aussi, les affaires se sont enchaînées : Tesco, Thomas Cook, BHS, Pendragon, Carillion, NMC Health, mettant en scène souvent les mêmes auditeurs. A chaque fois, ils n'ont rien vu.

L'affaire Wirecard éloquente

L'affaire Wirecard, l'une des plus vastes escroqueries récentes, qui a éclaté en 2020, est particulièrement éloquente. Comment EY, auditeur depuis dix ans du géant de paiements allemand devenu la coqueluche de la Bourse de Francfort, a-t-il pu laisser passer de telles énormités, à savoir un trou béant de 1,9 milliard d'euros dans les comptes ? Et pourquoi est-il resté sourd aux alertes répétées, pendant des années, du vendeur à découvert Matthew Earl ?

A chaque nouveau scandale, l'opinion publique s'interroge et les prend pour bouc émissaire. Ils n'ont pas vu les dysfonctionnements d'Orpea liés à son usage des fonds publics. Ils n'ont pas vu que H2O AM, la star déchue de la gestion londonienne dans la tourmente depuis deux ans, après avoir dû geler sept de ses fonds, ne respectait pas les règles d'investissement.

Plus récemment, KPMG n'a pas alerté sur les risques inhérents à la SVB, qui a fait faillite en mars 2023, trop exposée aux obligations long terme. Quinze jours avant que les difficultés de la banque américaine éclatent au grand jour, KPMG avait certifié ses comptes annuels 2022. Sans émettre de réserve ni de doute sur la capacité d'établissement à poursuivre son activité pendant une période raisonnable. KPMG était auditeur depuis 1994.

Alors finalement, à quoi servent-ils ? « Le mot commissaire aux comptes est trompeur. Ce n'est pas un enquêteur. En Belgique, on parle de réviseur des comptes. L'expression est plus juste », note Florence Peybernès, présidente du H3C (Haut conseil du commissariat aux comptes), le gendarme de l'audit. En clair, ce ne sont pas des policiers. D'ailleurs, à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, l'instance représentative de la profession en France, on réfléchit à changer le nom de ces professionnels du droit et du chiffre et de les appeler des auditeurs légaux. « Faire respecter la loi, voilà la mission du commissaire aux comptes », ajoute Florence Peybernès.

Une obligation de moyens pas de résultats

Le commissaire aux comptes est là pour certifier - ou pas - les comptes annuels. Cela consiste à valider que les données fournies par l'entreprise (bilan, compte de résultat, annexe légale) sont régulières et sincères et qu'elles donnent une image fidèle du résultat, de la situation financière et du patrimoine de l'entreprise. Point barre. « Il n'est pas là pour détecter la fraude », explique Florence Peybernès. Mais évidemment, s'il la détecte, il doit en informer les autorités publiques comme le procureur de la République. « En revanche, s'il n'a pas fait son travail correctement, s'il n'a pas respecté les procédures - à savoir les normes d'exercice professionnel édictées par son superviseur -, il peut être sanctionné », explique Florence Peybernès. En clair, il a une obligation de moyens, pas de résultats.

En quoi consiste cette obligation de moyens ? Il doit prendre connaissance de l'entreprise, de son environnement, de son contrôle interne, de ses outils pour lutter contre les fraudes et identifier ainsi les risques d'anomalies significatives. Sa démarche dépend de chaque entreprise. Si le contrôle interne est bien structuré, il pourra s'appuyer dessus. Sinon, il devra en tirer les conséquences sur la profondeur de ses travaux. « Il doit déterminer un seuil de signification pour l'entreprise qu'il audite. On ne peut pas lui demander de regarder toutes les opérations. Il doit se pencher sur celles qui sont significatives, qui peuvent avoir un impact sur les comptes si elles présentent des anomalies. Ce seuil détermine le montant à partir duquel il ira regarder de près les opérations. Si une personne dans une société détourne de petites sommes de manière récurrente, il ne le verra pas obligatoirement », explique Florence Peybernès.

Il doit recueillir ensuite des éléments probants pour s'assurer de l'exactitude de l'ensemble des données financières, vérifier par exemple que toutes les factures sont bien comptabilisées, que tous les éléments du stock sont déterminés de façon exhaustive. Surtout, l'auditeur doit systématiquement « circulariser l'information ». En jargon d'auditeur, cela signifie croiser l'information, vérifier auprès de personnes extérieures à l'entreprise - des fournisseurs, des clients, des banquiers - de la véracité des comptes. Si la société X dit que Y, Z et W lui doivent de l'argent, il faut aller demander à Y, Z et W de confirmer ces dires.

Contrairement à ce que croit l'opinion publique, cette profession ne bénéficie pas d'une sorte d'impunité. Elle est régulée par le H3C, qui contrôle au moins une fois tous les trois ans ceux qui auditent les comptes des sociétés cotées. Ce dernier mène des enquêtes approfondies. Il dispose d'une commission des sanctions, la « formation restreinte », composée notamment de magistrats. Depuis 2016, ces derniers peuvent prononcer des sanctions pécuniaires. Elles sont dissuasives : le montant maximum est de 250.000 euros pour une personne physique et de 1 million pour une personne morale.

La commission des sanctions n'hésite pas à sanctionner. En 2021, à Paris, elle a jugé son premier gros dossier disciplinaire : l'affaire William Saurin. Une histoire de comptes truqués : Monique Piffaut, cette femme d'affaires qui a bâti un empire de l'agroalimentaire en rachetant les fleurons français Garbit, Paul Predault et Madrange, a fabriqué 300 millions d'euros de fausses factures pour gonfler le chiffre d'affaires de son entreprise. Sans que personne voie rien.

Le H3C a considéré que la responsabilité de Mazars, l'auditeur historique de la holding, était engagée comme celle de l'associé signataire, entretemps licencié pour faute grave, et aussi celle, dans une moindre mesure de PwC. Mazars a été condamné à une interdiction d'exercer avec sursis et à 400.000 euros. Il a fait appel devant le Conseil d'Etat. En mai 2023, la formation restreinte a radié de la profession Guy Isimat-Mirin, ex-commissaire aux comptes des holdings personnels d'Arnaud Lagardère. Elle lui a reproché de ne pas avoir mené l'audit des comptes avec les diligences requises par sa profession.

Risque de réputation

En Allemagne, EY a été lourdement sanctionné par l'autorité allemande de surveillance des cabinets d'audit dans l'affaire Wirecard. Cette dernière lui a interdit d'effectuer de nouvelles « missions d'audit d'entreprises d'intérêt public pendant deux ans » et EY écope d'une amende de 500.000 euros. Cinq auditeurs se sont vu infliger des amendes comprises entre 23.000 et 300.000 euros.

Peut-être plus que les sanctions, les cabinets craignent surtout le risque de réputation. EY Allemagne a été lâché par de gros clients comme Commerzbank et Deutsche Telekom. En France, les audiences devant le H3C sont publiques. Tout le monde peut y assister. Et les sanctions sont publiées sur son site.

Mal aimés, les commissaires aux comptes se retrouvent aujourd'hui pointés du doigt dès qu'il y a un scandale. Ils ne sont pourtant pas les seuls en cause. Les dirigeants, les banques qui ont continué à soutenir des entreprises même quand leur niveau d'endettement est devenu insoutenable, le marché, les régulateurs, les analystes financiers ont aussi une part de responsabilité. Ils auraient pu alerter sur les risques de défaillance. Dans l'affaire Wirecard, la défaillance de la Bafin, le régulateur allemand, a été pointée du doigt par l'Esma, le gendarme européen des marchés. Le gouvernement allemand a fini par prendre des mesures visant à renforcer ses règles de surveillance comptable des entreprises.

Les commissaires aux comptes justifient de leur utilité : cette année, en France, ils ont fait 133 déclarations de soupçons à Tracfin. S'il y a peu de comptes certifiés avec réserve (une trentaine en France sur les vingt dernières années), c'est parce que très souvent, « quand il y a un désaccord, nous en référons à la direction, au comité d'audit. Cela se règle en général sans bruit. Le tir est corrigé sans que le marché soit informé pour les boîtes cotées », explique un commissaire aux comptes.

Et si les auditeurs informaient les marchés financiers dès qu'ils rencontrent des difficultés à certifier des comptes ? Ils auraient sans doute moins mauvaise réputation. Problème : ils sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leurs fonctions. En public, attaqués, ils ne peuvent donc pas se défendre. Sauf devant les tribunaux.

Quand Solutions 30 a critiqué la décision d'EY de s'abstenir de certifier les comptes 2020, ce dernier s'est retrouvé dans une impasse, à ne pas pouvoir se justifier. Cela les dessert auprès de l'opinion publique. S'il avait été délié du secret, la donne aurait pu être autre.

Juan Buis1 Comment