Article édifiant de L’Argus de l’Assurance (magazine de référence du secteur) sur AssureOne
Courtage : AssurOne cherche toujours sa rentabilité
Plus de trois ans après son acquisition par le groupe Prévoir, AssurOne ne parvient toujours pas à dégager une croissance rentable. Cette situation alarme une partie des actionnaires familiaux qui presse la gouvernance de prendre des décisions radicales.
Par la récurrence de leurs revenus, les courtiers grossistes sont parvenus à se frayer une place dans la distribution d'assurance et construire un modèle économique rentable au point d'attirer les fonds d’investissement.
Pourtant, certains d’entre eux à l’image d’AssurOne peinent à trouver leur vitesse de croisière. Le courtier grossiste spécialisé dans l’IARD passé sous le giron du groupe Prévoir depuis son rachat en 2019 auprès du fonds Anacap Financial Partners pour un montant de 118 M€ (98 M€ pour AssurOne et 20 M€ pour Utwin) n’a toujours pas trouvé la bonne formule.
Trois ans après son acquisition, le bilan est en demi-teinte. En 2021, dernier exercice connu, le chiffre d’affaires est dynamique à 50,4 M€ (35 M€ net de rétrocessions), en hausse de 16%, soutenu par Netvox (40% du CA) et par l'activité partenariats (constructeurs auto, cartes bancaires…). Revers de la médaille, AssurOne serait loin des objectifs fixés en termes de rentabilité.
Les pertes d’exploitation cumulées du courtier grossiste sur les trois derniers exercices atteignent 13 M€ (voir ci-dessous) alors même que la Société Centrale Prévoir (SCP), la maison mère de Prévoir, en attendait une contribution positive de 11 M€ sur la période, selon nos informations. Un retard sur le calendrier initial qui ne remet pas en cause la trajectoire définie par Prévoir : « Lorsque nous avons fait l’acquisition d’AssurOne et d’Utwin, nous avions trois objectifs : diversifier les investissements du groupe, devenir un acteur de référence de l’assurance emprunteur en France et diversifier nos canaux de distribution. Nous allons continuer de développer ces deux entités séparément. Je n’ai pas d’inquiétude qu’il s’agira d’un investissement rentable », confie Patricia Lacoste, sa présidente-directrice générale, à L’Argus.
Des frais trop lourds ?
Comment expliquer la situation financière dégradée d’AssurOne là où ses principaux concurrents en IARD parviennent à tirer leur épingle du jeu ? La raison viendrait principalement de sa structure de coûts, d’environ 30 M€ par an. Le courtier grossiste opère aujourd’hui avec un effectif de 435 salariés, dont un centre de gestion situé à Pont-Audemer dans l’Eure qui emploie 140 collaborateurs. « C’est une masse salariale importante alors que ses compétiteurs de taille équivalente (en chiffre d’affaires) en comptent jusqu’à quatre fois moins. De même, la plupart des sociétés concurrentes ont fait le choix de sous-traiter leur plateforme d’appel et de souscription ou de les opérer depuis l’étranger (Maroc ou Madagascar majoritairement), moins coûteuses », confie une source au fait du dossier.
Autre élément qui pèserait sur les coûts, et donc la rentabilité : l’informatique. AssurOne, qui a été la cible de deux cyberattaques en moins de deux ans, a fait le choix de ne pas externaliser le développement de son système informatique. Les frais de développement et de gestion de cet outil informatique représenteraient entre 3 M€ et 4 M€ chaque année.
Pas de plan social à l’étude
Cette absence de rentabilité à moyen terme alerte une partie des actionnaires du groupe Prévoir. Le capital de la maison mère est aujourd’hui réparti à 70% entre plusieurs familles, dont la famille Angot, et 30% par des héritiers d’anciens salariés. Outre les doutes sur la pertinence de l’acquisition d’AssurOne, certains investisseurs familiaux s’interrogent sur les mesures à mettre en œuvre pour rétablir sa santé financière. Au point de réclamer un plan sévère de redressement. Une option écartée par Patricia Lacoste qui entend laisser le temps à AssurOne pour se rétablir : « Dans toutes les sociétés du groupe, je travaille avec le même souci d’efficacité. Elle va avec la rentabilité et le service client. Pour Assurone, nous n’envisageons ni plan social, ni plan de départs volontaires. » Ni même la fermeture ou la délocalisation du centre de gestion de Pont-Audemer.
Depuis le départ surprise d’Eric Dodin fin 2022, la nouvelle équipe dirigeante en place formée par Arnaud Deroeux, directeur général et David Dubois, président non-exécutif, aura justement pour mission d’écrire une nouvelle feuille de route au courtier grossiste à horizon 3 ans.
Des marques d’intérêts reçues
A défaut d’un plan de redressement, l’hypothèse d’une cession d’AssurOne est également évoquée même si Patricia Lacoste l'écarte ouvertement : « AssurOne n’est pas à vendre. Je n’ai jamais mandaté de banque d’affaires. Je n’ai jamais reçu de proposition ferme de qui que ce soit. » Aucun process de vente n’a, en effet, été officiellement mené.
De sources concordantes, plusieurs échanges auraient toutefois bien eu lieu ces derniers mois auprès d’acquéreurs potentiels dont l’assurtech Leocare encore LSA Courtage, courtier spécialisé dans l’IARD des particuliers. Les discussions, qui ont fait l’objet d’accords de confidentialité, auraient buté en partie sur le prix proposé pour AssurOne, lequel n’aurait pas excédé 35 à 40 M€, selon nos informations. Un montant plus de deux fois inférieur à celui que le groupe Prévoir avait mis sur la table en 2019. Une perte de valeur trop importante à encaisser pour l’assureur familial qui n’a pas souhaité poursuivre les négociations.
« Il n’y a pas beaucoup d’options : soit le groupe Prévoir trouve en interne les ressources pour transformer son modèle économique ; soit il passe par une cession avec pertes qui impliquera dans ce cas d’assumer des moins-values », confie ce concurrent. Un constat que partageaient déjà plusieurs associés du groupe un an auparavant : « La SCP devrait céder cette activité qu’elle ne saura pas rentabiliser à la hauteur des sommes investies et qui ne se révèlera jamais un investissement financier judicieux et rentable ».
Une valorisation dans les comptes de la SCP qui fait débat
Mais alors quelle est la valeur réelle AssurOne ? A cette question, la réponse ne semble pas faire l’unanimité. Des analyses réalisées à la demande d’actionnaires, auxquelles L’Argus a eu accès, font état de valorisations comprises entre 30 à 35 M€. « Ce sont des valorisations qui n’émanent pas de Prévoir. Tous les ans, nous effectuons une valorisation d’AssurOne. Nous n’avons jamais passé la moindre provision pour dépréciation, ceci est revu par les commissaires au compte dans le cadre de la certification des comptes », atteste Patricia Lacoste, dont la maison mère continue de valoriser comptablement AssurOne à 98 M€. « Ce n’est pas la réalité. Il faudrait constater une provision à hauteur de 50 M€ dans le bilan pour refléter cette perte de valeur mais elle aurait un impact important sur le résultat consolidé du groupe », glisse cet analyste.
Pas de quoi faire dévier sa PDG qui conclut : «Chez Prévoir comme dans tous les groupes, il y a des contestataires mais nos actionnaires sont très majoritairement alignés avec moi. Toutes Les résolutions en assemblée générale sont adoptées à plus de 95% ».
Résultats d'AssurOne entre 2019 et 2021 - Source : Pappers.fr