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Lettre ouverte – Réponse au refus de nomination d’un administrateur référent par le conseil d'administration de la SCP

Le conseil d’administration de la Société a récemment refusé, dans son courrier du 15 mai 2025, le projet de résolution tendant à la nomination d’un administrateur référent, pourtant proposé dans un esprit constructif et dans l’intérêt de tous les actionnaires, afin d’améliorer le dialogue actionnarial, et ce sans fournir le moindre argument de fond susceptible d’en démontrer l’inopportunité. Nous le regrettons vivement.

La désignation d’un administrateur référent nous paraît non seulement opportune, mais parfaitement légitime, dans un contexte marqué par la concentration des pouvoirs entre les mains d’une seule personne, en l’occurrence la Présidente-Directrice Générale de la société depuis 2013, ce qui constitue une situation contraire aux meilleures pratiques de gouvernance, y compris dans les sociétés familiales, telles que définies par l’Institut Français des Administrateurs (IFA).

En effet, l’IFA indique dans son guide des entreprises familiales (p. 36) :
« La dissociation des fonctions de président et de directeur général semble généralement être un prérequis à une forme de gouvernance efficiente, dans la mesure où elle permet d’éviter la concentration des pouvoirs sur une seule personne. Le président animera les travaux du conseil, tandis que le directeur général sera en charge de la direction opérationnelle. »

L’IFA va plus loin encore en encourageant, dans le cas des sociétés familiales, l’adoption d’une gouvernance duale, via un directoire et un conseil de surveillance, permettant notamment une représentation mieux structurée des membres de la famille à différents niveaux de responsabilité.

Afin de ne pas alourdir inutilement la gouvernance actuelle, nous nous sommes limités à demander la désignation d’un administrateur référent – un mécanisme bien connu dans les sociétés de taille significative –souple et peu contraignant. C’est une mesure de bon sens, qui ne remet aucunement en cause l’organisation actuelle mais en corrige les déséquilibres les plus évidents.

Pour justifier son refus, la Société se contente d’invoquer des statistiques selon lesquelles les sociétés familiales cotées du SBF 120 ne recourraient pas systématiquement à un administrateur référent (contrairement aux sociétés non familiales). Cette justification appelle plusieurs remarques.
Cet argument de comparaison avec les sociétés du SBF 120 ne saurait être retenu sans une analyse rigoureuse du contexte et de la nature de l’activité de la Centrale.

Il convient d’abord de rappeler que notre société exerce dans le secteur de l’assurance, une industrie hautement régulée, exposée à des risques systémiques, et dont les états financiers et la stratégie sont souvent complexes à appréhender pour des actionnaires non spécialisés. Cette complexité justifie à elle seule un renforcement des mécanismes de gouvernance et de transparence. Comparer notre gouvernance à celle d’entreprises du secteur du luxe – aussi performantes soient-elles – n’a donc guère de pertinence. Leur modèle économique est plus lisible, leur croissance plus prévisible, et leur gouvernance plus lisiblement assumée.

Très peu de sociétés familiales du SBF 120 évoluent dans un environnement aussi technique et réglementé que le nôtre. Il est donc pour le moins inapproprié de se comparer à elles, a fortiori aux meilleures d’entre elles.

De plus, de manière générale, ces sociétés affichent aujourd’hui une performance financière remarquable, comme en témoignent leurs cours de bourse. Le millésime 2023 en offre une illustration éclatante : Hermès (+188 %), LVMH (+77 %) ou encore L’Oréal affichent des croissances spectaculaires, renforçant ainsi le poids des familles actionnaires dans le CAC 40 (21,2 % du capital à fin 2023) et dans le SBF 120 (21 %), avec une détention moyenne de 29 % dans les sociétés concernées. Trois familles – Arnault, Dumas et Bettencourt Meyers – figurent parmi les cinq premiers actionnaires de l’indice. (source : https://www.morningstar.fr/fr/news/262230/le-poids-des-grandes-familles-et-de-letat-au-sein-des-actionnaires-du-cac-40-sest-encore-renforcé.aspx?utm_source=chatgpt.com)

Dans un tel contexte de surperformance, il est aisé de justifier un statu quo en matière de gouvernance. Mais notre situation est toute autre. Si notre société affichait de telles performances, nous ne serions évidemment pas en train de solliciter la nomination d’un administrateur référent !

Cette surperformance atteste des vertus possibles d’un capitalisme familial structuré et assumé, mais elle ne saurait en aucun cas servir à justifier l’absence d’outils élémentaires de gouvernance dans des sociétés confrontées à des difficultés opérationnelles, comme c’est le cas actuellement de la nôtre. La comparaison est donc, en réalité, infondée.

La Société évoque ensuite la qualité du dialogue existant entre administrateurs et avec les actionnaires, mais sans jamais expliciter les modalités concrètes d’organisation de ce dialogue. Or, le dialogue actionnarial ne consiste pas simplement à aller au-devant des actionnaires, mais suppose également d’écouter les voix dissidentes ou minoritaires, surtout lorsqu’elles sont exprimées de manière argumentée et constructive.

La Société devrait reconnaître les difficultés récurrentes à établir un dialogue ouvert et apaisé avec certains actionnaires minoritaires – dont vos serviteurs – exprimant des opinions divergentes sur la gouvernance ou la stratégie. Nous rappelons à cet égard que, ces dernières années, nous avons tenté à de multiples reprises de contribuer, dans un esprit de responsabilité, à la réflexion collective des actionnaires.

Comme le souligne à juste titre l’IFA, l’administrateur indépendant (et a fortiori l’administrateur référent) contribue notamment à « dépassionner les débats » et à « désamorcer les tensions », y compris dans les sociétés familiales, en favorisant un dialogue plus équilibré et professionnel entre les parties prenantes.
La résolution proposée vise précisément cet objectif : permettre aux actionnaires, quels qu’ils soient, d’avoir la garantie qu’une voix indépendante est en capacité d’interagir avec la présidence dans le respect de l’intérêt social.

En définitive, aucun argument sérieux, ni juridique, ni économique, ni organisationnel, n’a été avancé pour justifier le rejet de cette mesure simple, équilibrée et manifestement bénéfique pour tous les actionnaires.

Les Associés Prevoir

Juan Buis2 Comments