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Les déboires de Prévoir

Le 10 décembre 2024, le groupe Prévoir a fait une double annonce marquante : la nomination d’un nouveau directeur général chez AssurOne, le cinquième en seulement deux ans, et celle d’Édouard Bidou, jusque-là directeur général délégué, au poste de directeur général de Prévoir Vie.

Une stratégie d’acquisitions chaotique
Depuis 2019, Prévoir a investi la somme considérable de 160,1 millions d’euros dans un portefeuille d’activités de courtage disparate, incluant AssurOne, Utwin, Réassurez-moi et Easyblue (désormais Stello).
Easyblue, récemment cédée à Odealim après un plan social et une recapitalisation, a coûté à la maison-mère une perte sèche de plus de 15 millions d’euros en seulement deux ans.

AssurOne, de son côté, traverse de graves difficultés. Selon des sources concordantes, la société devrait afficher une nouvelle perte significative en 2024, estimée à 9 millions d’euros, après un déficit de 11,4 millions d’euros en 2023. Pourtant, les titres d’AssurOne sont encore valorisés à 80,1 millions d’euros dans les comptes de la Société Centrale Prévoir à fin 2023.Seulement 29,9 millions d’euros de provisions ont été enregistrées depuis son acquisition en 2019.
Des audits répétés par des cabinets de renom soulignent des problèmes structurels, notamment des coûts opérationnels excessifs et une masse salariale trop importante . Par exemple, AssurOne emploie 80 personnes dans son département IT, mais devrait malgré tout investir plusieurs millions dans un nouvel outil de gestion. De nombreux experts interrogés s’interrogent sur la logique stratégique d’un acteur de l’assurance-vie comme Prévoir détenant un courtier spécialisé en assurance automobile et MRH, particulièrement en difficulté. La destruction de valeur pour les actionnaires est aujourd’hui massive et un plan social nous semble inévitable. "En l'état la société ne peut être vendu sans un chèque du vendeur comme pour Stello"

Réassurez-moi, rachetée pour 10 millions d’euros, enregistre également des pertes significatives de plusieurs centaines de milliers d’euros. Fondée en 2001 par Antoine Fruchard, la société s’était initialement positionnée comme un outil d’aide au questionnaire médical, indispensable pour la souscription d’une assurance emprunteur. Cependant, la loi Lemoine de juin 2022, qui a permis la suppression de ce questionnaire sous certaines conditions, a fortement impacté son modèle d’affaires. La société semble aujourd’hui peiner à trouver un modèle d’affaires viable. "Un provisionnement supplémentaire dans les comptes de Prévoir semble inévitable."

Utwin, pourtant présenté comme une pépite lors de son acquisition, affiche des performances en deçà des attentes. En 2020, Utwin affichait un chiffre d’affaires de 10,2 millions d’euros pour un résultat net négatif de 192 milliers d’euros. Trois ans plus tard, le chiffre d’affaires atteint 16 millions d’euros pour un résultat net positif de 826 milliers d’euros. Son développement reste limité, et les synergies espérées avec Prévoir Vie peinent à se concrétiser. En réalité, ces deux entités semblent souffrir d’une incompatibilité fondamentale.

Un manque de cohérence et de contrôle
Les déboires de Prévoir dans le courtage ne se limitent pas à des acquisitions coûteuses et mal calibrées. Ils mettent également en lumière une absence de cohérence stratégique et de pilotage. Plusieurs actionnaires critiquent la gouvernance de la Société Centrale Prévoir (SCP), soulignant des communications erronées lors des assemblées générales.

“Chez Prévoir, on licencie sans hésitation des cadres de niveau N-1 pour des erreurs, mais les vrais décideurs restent protégés, malgré leur incurie. C’est injuste et dangereux,” nous ont confié des salariés.

Cette critique est d’autant plus pertinente que les administrateurs, y compris les indépendants comme Messieurs du Boullay et Nguyen, siègent également aux conseils des filiales de courtage. Pourtant, aucun signal clair de réorientation stratégique n’a émergé depuis toutes ces années....

La nomination d’Édouard Bidou : un choix controversé
La nomination d’Édouard Bidou à la tête de Prévoir Vie suscite des interrogations. Médecin de formation, passé par la Smerep. Héritier d’une branche familiale issue d’André Angot, son profil, ni technique ni commercial, divise plusieurs actionnaires familiaux.
Lors de l’assemblée générale de 2019, un groupe familial représentant près de 15% du capital avait posé une question écrite remettant en question sa légitimité. Jean-Philippe Labrusse, administrateur et lui-meme cousin germain Edouard Bidou, avait répondu de manière évasive :
« Edouard Bidou a été nommé par le conseil DGD des compagnies d’assurance, compte tenu du succès de son pilotage du programme transformation de la Société.
Par ailleurs, même si M. Edouard Bidou est médecin de formation, il a fait la quasi-totalité de sa carrière dans le secteur des mutuelles et des assurances, il a une forte sensibilité et une très bonne compréhension des enjeux de santé et de prévoyance. Il est dirigeant effectif au sens de l’ACPR depuis 2017 et a reçu à ce titre une formation spécifique à Solvabilité 2.
Contrairement à ce que vous indiquez, en sa qualité de DGD des compagnies d’assurances, il n’aura pas mission d’intégrer Utwin. Il représentera Prévoir Vie au COMEX du groupe, aux côtés des dirigeants d’AssurOne et d’Utwin. »

En interne, la nomination d’Édouard Bidou ne fait pas non plus l'unanimité ce qui fragilisera davantage une organisation déjà instable.

Edouard Bidou a rejoint le groupe Prévoir en 2007 en tant que directeur de l’innovation et du développement. Auparavant, il a été responsable de la Société mutualiste des étudiants de la région parisienne (Smerep) de 1998 à 2001 et a travaillé au sein d’un laboratoire pharmaceutique de 2001 à 2007. Il est directeur général délégué de Prévoir Vie depuis avril 2019.

Sa nomination est-elle liée aux engagements Dutreil dont il est signataire ? Car somme toute quelle réussite a t- il à son actif pour justifier une telle promotion ?

Conclusion : une stratégie à revoir

Les mésaventures de Prévoir dans le courtage révèlent un manque de vision stratégique, des acquisitions mal maîtrisées, et une gouvernance remise en cause. Alors que la confiance de plus en plus d'actionnaires et de salariés vacille, la nomination d’Édouard Bidou pourrait accentuer les tensions au sein du groupe d'autant que Prevoir Vie n'a pas de croissance et selon toute vraisemblance affichera des résultats très contrastés en 2024 en dépit de la tenue des marchés financiers.
La question reste de savoir si le groupe saura redresser la barre et restaurer une cohérence entre ses ambitions et ses moyens.

Sources : Rapports annuels de la Société Centrale Prévoir, PV d’Assemblée générale 2019, blog associés Prevoir

Pierre Albouy

Juan Buis16 Comments