LETTRE A TOUS LES ACTIONNAIRES MAI 2023
Chère famille,
Depuis 2019, nous vous alertons sur le manque de rationalité de l’acquisition d’AssurOne et sur le caractère exorbitant de son prix, lequel aurait été dissimulé aux actionnaires si nous n'avions fait en sorte qu'il soit communiqué. Pour rappel : lors de la réunion du pacte Angot de 2019, la quasi-totalité des membres de la gérance présents n’avait pas compris l’intérêt stratégique de cette acquisition pour Prévoir. Certains avaient mis en avant deux points :
• Le fait que l’acquisition avait eu lieu au niveau de la SCP, ce qui allait impacter directement les actionnaires et non plus les assurés
• Le fait que le surcoût d’acquisition correspondait à une année de résultat (soit quasiment 3 années de dividendes …)
Concernant AssurOne, nous ne pouvons que constater que non seulement cette acquisition a pour conséquence une perte de valeur très significative pour l’actionnaire, mais s'avère un foyer de tracas supplémentaires, alors que Prevoir Vie ne va pas bien du tout.
Après l’aventure internationale dont on est en droit de questionner le bilan, l’utilité et l'avenir, la diversification dans le courtage s'annonce comme un échec.
Prévoir Vie souffre aujourd’hui :
• d'un réseau commercial en attrition dont la taille a été divisée par 2 en 10 ans. La cellule de crise mise en place en 2015 et pilotée par Edouard et Monsieur Jean-Marc Carlouet n’aura eu aucun effet puisque les effectifs ont continué à diminuer entre 2015 et 2022.
• d'un portefeuille de contrats en attrition
• de moins en moins d’affaires nouvelles en volume et en qualité
Taux de croissance annuel moyen de Prévoir Vie de 2017 à 2022 : -3% par an
Par ailleurs, le dernier lancement coûteux d’un produit TNS présenté lors du récent club des actionnaires (voir dernier numéro de la lettre aux actionnaires) nous laissait dubitatifs ; nous apprenons que ce produit est un échec au point qu'il est retiré du marché et que la direction a décidé de remettre en vigueur l’ancien produit. Il en est de même pour le produit assurance emprunteur vendu par le réseau.
Ce qui est plus grave, c’est que malgré une situation de Prevoir Vie en quasi « run-off », qui explique la décroissance de notre chiffre d’affaires, fruit des décisions de la Direction pour ramener à l’équilibre le solde technique, celui-ci justement est revenu à son niveau déficitaires de 2013, avec un solde de souscription qui présente un encéphalogramme plat :
Taux de croissance annuel moyen du solde de souscription de Prévoir Vie de 2014 à 2022 : +1.2% par an
Il est plus qu’inexact de dire que les objectifs du PE6 ont été atteints, et nous n’osons pas imaginer que le conseil d’administration puisse croire en toute indépendance et bonne foi à ce discours alors qu’il dispose de tous les indicateurs économiques et financiers qui disent le contraire.
Depuis des années, le Groupe Prévoir opère avec un rendement de ses fonds propres inférieur à son coût du capital. Ce n’est pas juste un problème d’arbitrage de placement pour l’actionnaire (qu’un dispositif fiscal vient plus ou moins compenser), c’est beaucoup plus fondamentalement la traduction que le modèle d’Affaires de Prévoir Vie est depuis des années moins compétitif que celui de ses pairs.
Non, le Groupe PREVOIR ne connaît pas de résultat soit-disant ”historique” : nous avions 48 millions d’euros de résultat en 2018 soit 6,9 de rendement sur les fonds propres. Un atterrissage en 2022 à 50 millions ferait, selon notre estimation, un rendement de 6,3%. Entre temps, il a été investi 140 millions dans le courtage. Pas besoin d’avoir fait de grandes études pour comprendre que ces 140 millions rapporteraient aujourd’hui 3/4% l’an à la Société Centrale Prevoir, soit environ 4 millions d’euros net.
Pour rappel nous devions recevoir 11 millions du groupe AssurOne… En réalité, nous avons un manque à gagner de 4 millions d’euros net sur la holding chaque année. Voilà pourquoi le résultat est à peine supérieur à celui de 2018 et que le ROE est en baisse. Nous ne sommes pas dupes des discours d’autosatisfaction, mais personne ne réagit à part nous. Il est sans doute beaucoup plus confortable de “croire”, à défaut d’être en capacité de vérifier, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Et pourquoi attacher de l’importance à la création de valeur puisque tout est fait pour conforter le moins-disant fiscal ? Avec un tel système, tout est tiré vers le bas. La création de valeur parait bien oubliée…
Qui peut penser qu’une société en décroissance et qui fait des choix d’investissement destructeurs de valeur est correctement gérée ? La somme cumulée des investissements et des pertes, tant à l’international que dans le courtage, atteint des niveaux stratosphériques et aurait pu être investie, notamment dans notre outil informatique (à la dérive), dans la construction d’un modèle intranet de gestion plus agile favorisant le développement de Prévoir Partenaires et le lancement de produits innovants, voire dans le rachat d’Axeria Prevoyance et Santé…
La perception d'un dividende en légère progression ou à l’identique chaque année maintient l'illusion auprès d'un actionnariat dont la grande majorité ne comprend pas les spécificités de l’assurance et de son modèle économique inversé et/ou ne semble pas s'intéresser à autre chose. Mais là encore, ce dividende rapporté à la valeur réelle patrimoniale de l’action est similaire voire inférieur depuis cette année à la performance du livret A! Comment s’en satisfaire alors que la société n’investit plus dans son outil de production ? Ou alors investit à pertes ? Encore une fois, tout est tiré vers le bas.
Les éléments présentés dans le SFCR 2022 montrent que le montant des plus-values latentes a été divisé par deux (800m€ versus 1,6Mds€ en 2021) avec un impact de 300 millions sur le portefeuille d’actions soit une baisse de 35% alors que le CAC 40 n’a perdu que 9,5% entre fin 2021 et fin 2022, passant de 7153 points à 6474 points.
Le moteur « performance commerciale » s’est éteint il y a déjà quelques années. Alors que la gestion financière était une force de Prévoir à l’époque de Bertrand Voyer, ce n’est plus le cas.
Tout ceci est extrêmement inquiétant, tant pour nos familles actionnaires que pour l’entreprise en générale et pour ses salariés en particulier.
En l’état actuel des choses, qu’allons-nous laisser à nos enfants, si ce n’est un problème ? Le non-dit assourdissant serait-il : après nous le déluge ? S’il importe de reconnaître et rappeler l'histoire de cette entreprise et ses valeurs, c'est son avenir qu'il faut construire avec fermeté, conviction, enthousiasme, vision convaincue et convaincante.
Depuis 10 ans, nous constatons de vraies erreurs, tant stratégiques que de gestion, erreurs qui ne sont jamais reconnues. La pratique de l’esquive lors des réponses en AG ne peut que renforcer le soupçon.
Pour sortir de cette impasse, il faudrait que les erreurs soient reconnues comme telles, et qu’il soit proposé aux actionnaires de nommer au conseil des professionnels compétents, véritablement indépendants, et à la direction générale des personnes expérimentées dans le secteur de l’assurance de personnes, avec une feuille de route claire, ambitieuse et réaliste.