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Droit des minoritaires de la Société Centrale Prévoir

« Nemo censetur ignorare lege ». Tout le monde connaît cet adage. L’objectif ici est de rappeler aux actionnaires quels sont leurs droits. Être actionnaire d’une entreprise ne se résume pas à la seule perception d’un dividende ou l’expression d’un droit de vote dans une assemblée générale. Il est important que les actionnaires comprennent l’activité de la société dans laquelle ils sont investis et qu’ils s’informent adéquatement. Un des plus grands investisseurs de tous les temps, Warren Buffet, a coutume de donner ce conseil: « Ne jamais être investi dans une entreprise dont vous ne comprenez pas l’activité et les comptes ». Mesurer la performance de l’entreprise et son évolution dans son secteur d’activité est la responsabilité des actionnaires. Il est important de comprendre que les actionnaires même dans une société non cotée ne sont pas pieds et poings liés par le management. Dans le cas d’espèce, l’absence de cotation et la dispersion du capital renforcent dramatiquement les pouvoirs du management d’où l’absolue nécessité d’exercer un contre-pouvoir et d’exiger une vraie transparence.

I.           Prérogatives n’exigeant pas la détention d’un seuil de capital minimum

1.     Droit de poser des questions écrites avant toutes assemblées générales auxquelles le conseil d’administration est tenu de répondre[1] (sans condition de seuil de détention du capital)

Avant toute assemblée générale et à compter du jour de la convocation à une assemblée générale, la qualité d’actionnaire donne le droit de poser des questions écrites auxquelles le conseil d’administration est tenu de répondre au cours de l’assemblée. Il faut cependant noter que la Société sera réputée y avoir répondu dès lors qu’elle fait figurer la réponse sur son site internet dans une rubrique consacrée aux questions-réponses. Les questions écrites doivent être envoyées soit par lettre recommandée avec accusé de réception au siège social, soit par voie de communication électronique à l’adresse indiquée dans la convocation, au plus tard le quatrième jour ouvré précédant la date de l’assemblée générale. 

Les réponses apportées aux questions écrites au cours de l’assemblée font partie des débats et doivent en conséquence figurer en résumé dans le procès-verbal de l’assemblée. 

2.     Droit de communication permanent

 La qualité d’actionnaire confère également un droit de communication permanent. C’est-à-dire qu’ « à toute époque »[2],  l’actionnaire peut se procurer au siège social de la société (ou au lieu de la direction administrative), et, s’il le souhaite, en étant assisté d’un expert inscrit sur une des listes établies par les cours et les tribunaux[3], les documents suivants des trois derniers exercices[4]:  

  • la liste des administrateurs ;  

  • les comptes annuels (bilan, compte comptes de résultat et annexes) ;

  • les comptes consolidés ;

  • les rapports du conseil d'administration et des commissaires aux comptes, s’il en existe, qui seront soumis à l'assemblée ;

  • le texte et l'exposé des motifs des résolutions proposées ;

  • les renseignements concernant les candidats au conseil d'administration ;

  • le montant global, certifié exact par les commissaires aux comptes, s’il en existe, les rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées, le nombre de ces personnes étant de dix ou de cinq selon que l'effectif du personnel excède ou non deux cents cinquante salariés ;

  • le montant global, certifié par les commissaires aux comptes des versements effectués en application des 1 et 5 de l'article 238 bis du code général des impôts ainsi que de la liste des actions nominatives de parrainage, de mécénat ; 

  • les procès-verbaux des assemblées tenues au cours des trois derniers exercices ; 

  • les feuilles de présence à ces assemblées ; et

  • les bilans sociaux. 

Dans le cas où cet actionnaire ne pourrait obtenir la production, la communication ou la transmission de ces documents, il a le droit d’introduire auprès du Président du Tribunal de commerce de Paris une action en référé afin qu’il enjoigne aux administrateurs de les communiquer, ou qu’il désigne un mandataire chargé de procéder à cette communication[5].

3.     En cas d’urgence, demander la désignation en justice d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée

Si cette possibilité n’exige pas de condition de seuil de détention du capital, il faut en revanche que l’actionnaire puisse justifier d’une « urgence » à convoquer une assemblée générale[6].

4.          Invoquer l’abus de majorité

Dans le cas où une décision adoptée à la majorité par les ou les actionnaires majoritaires est contraire à l’intérêt social et a été prise dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des autres actionnaires, il peut alors y avoir abus de majorité. Un actionnaire minoritaire a alors la possibilité d’introduire une action en nullité de la décision, et cela même s’il avait voté en faveur de l’adoption de la décision litigieuse. L’action en nullité ne peut cependant être engagée contre la seule société, car les associés, auteurs de l’abus, doivent être mis en cause. 

Une demande de dommages et intérêts peut-être jointe à la demande de nullité, et elle doit être formée non pas contre la société, mais contre les actionnaires majoritaires car seuls ces derniers ont commis la faute qui ouvre droit à réparation. 

L’action en abus de majorité mérite d’être évoquée car elle est pertinente pour des décisions intéressant la gestion financière d’une société. C’est ainsi que la Cour de cassation a eu l’occasion de juger que l’affectation systématique, pendant 20 ans, de la totalité des bénéfices à la réserve extraordinaire et le refus de distribuer tout dividende, les sommes n’ayant pas été utilisées pour des investissements mais simplement portées au crédit des comptes bancaires de la société, étaient constitutifs d’un abus de majorité. A contrario, la Cour d’appel de Reims a refusé de qualifier d’abus de majorité la mise en réserve des bénéfices pendant 10 ans, ayant permis à une société anonyme de renforcer sa situation et de contribuer à augmenter la valeur des titres[7].

II.        Recours qui exigent la détention d’un seuil de capital minimum

1.     Poser des questions écrites au président du conseil d’administration

Un actionnaire seul ou se groupant avec d’autres actionnaires pour représenter au moins 5% du capital a le droit de poser par écrit au président du conseil d’administration des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société clairement identifiées, ainsi que de ses filiales. La réponse devra être communiquée aux commissaires aux comptes[8].

2.     Demander en justice la désignation d’un expert à défaut de réponse aux questions écrites 

A défaut de réponse dans un délai d’un mois ou à défaut de communication d’éléments de réponse satisfaisants aux questions écrites qu’ils poseraient au président du conseil d’administration, un ou plusieurs actionnaires minoritaires atteignant le seuil de 5% du capital social, ont la possibilité de demander au Président du Tribunal de commerce de Paris saisi en référé la désignation d’un expert en justice afin de présenter un rapport sur les opérations de gestion identifiées dans les questions posées au président du conseil d’administration[9] (si le Président du Tribunal de commerce fait droit à cette demande, sa décision fixera les honoraires du ou des experts, qu’il peut mettre à la charge de la Société[10]).

Ce rapport sera déposé au greffe du tribunal de commerce qui le communiquera aux demandeurs, ainsi qu’au comité d’entreprise, aux commissaires aux comptes, au ministère public et au conseil d’administration. En outre, il sera annexé au rapport des commissaires aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale[11].

La demande d’expertise ne peut porter que sur une ou plusieurs opérations de gestion déterminées, ce qui exclut qu’elle porte sur la gestion de la Société dans son ensemble ou sur la régularité des comptes sociaux, et ne peut porter que sur les opérations de gestion pour lesquelles les actionnaires ont demandé des éclaircissements préalables au président du conseil d’administration. 

3.          Dépôt de points ou de projets de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale

Si les actions que détiennent un ou plusieurs actionnaires représentent une participation au moins égale à 5%, ou, lorsque le capital de la société est supérieur à 750.000 € et que cette participation correspond à : 

a)          4 % pour les 750.000 premiers euros du montant du capital
b)         2,50 % pour la tranche de capital comprise entre 750.000 et 7.500.000 € du montant du capital
c)          1 % pour la tranche de capital comprise entre 7.500.000 et 15.000.000 € du montant du capital
d)         0,50 % pour le surplus du capital,   

ces actionnaires ont alors la possibilité de déposer un projet de résolution ou de points non liés à un projet de résolution[12]. 

La demande doit être envoyée au siège social de la Société par lettre recommandée avec accusé de réception ou par télécommunication électronique, et doit être envoyée 25 jours au moins avant la date de l’assemblée réunie sur première convocation[13].

Elle devra être accompagnée : 

-   du texte des projets de résolutions ; 
-   le cas échéant, d’un bref exposé des motifs ; 
-   de l’attestation d’inscription des titres dans les comptes de titres nominatifs tenus par la Société, justifiant ainsi de la possession ou de la représentation de 423.750 € au moins du capital. 

 Si cette demande d’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale porte sur la présentation d’un candidat au conseil d’administration, il convient de préciser son nom, son prénom usuel, son âge, ses références professionnelles, son activité professionnelle au cours des cinq dernières années, notamment les fonctions qu’il a exercé ou qu’il exerce dans d’autres société. (Préalablement à l’examen du point ou de la résolution par l’assemblée générale, l’actionnaire requérant doit produire une nouvelle attestation justifiant de l’inscription en compte des titres dans les mêmes comptes au deuxième jour ouvré précédant l’assemblée à zéro heure[14].) 

4.          Demander la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée générale

Si les actions détenues par un ou plusieurs actionnaires représentent une participation au moins égale à 5%, ou, lorsque le capital de la société est supérieur à 7.500.000 €, que cette participation représente :

a)          4 % entre 750.000 € et jusqu'à 4.500.000 € du montant du capital
b)         3 % entre 4.500.000 € et 7.500.000 € du montant du capital
c)          2 % entre 7.500.000 € et 15.000.000 € du montant du capital
d)         1 % au-delà de 15.000.000 € du montant du capital, 

ces actionnaires ont le droit de saisir en référé le Président du Tribunal de commerce aux fins de désignation d’un mandataire charger  de convoquer l’assemblée générale[15].

__________________________________

[1]        Article L. 225-108 du Code de commerce
[2]        Article L. 225-117 du Code de commerce
[3]        Article R. 225-94 du Code de commerce
[4]        Article L. 225-115 du Code de commerce
[5]        Article L. 238-1 du Code de commerce
[6]        Article L. 225.103 du Code de commerce
[7]        Cass. Com., 22 avril 1976 n°75-10735, à propos d’un SARL et CA Reims, 10 septembre 2007, n°04-2958
[8]        Article L. 225-231 alinéa 1 du Code de commerce
[9]        Article L. 225-231 alinéa 2 du Code de commerce
[10]       Article L. 225-231 alinéa 4 du Code de commerce
[11]       Article L. 225-231 alinéa 4 du Code de commerce
[12]       Articles L. 225-105 et R. 225-71 du Code de commerce
[13]       Article  R. 225-72 alinéa 2
[14]       Article R. 225-71 alinéa 10 du Code de commerce
[15]       Article L. 225-103 du Code de commerce

Pierre Albouy2 Comments